47. Or, eu égard à la situation financière générale extrêmement difficile décrite ci-dessus et à la réaction susmentionnée de la confédération panhellénique des unions de coopératives agricoles, il est hautement prévisible qu’une proportion significative des centaines de milliers de bénéficiaires refuserait de s’acquitter des sommes réclamées, ce qui nécessiterait l’intervention massive des agents de l’administration fiscale, dont le nombre n’a pourtant pas augmenté. Il est évident qu’une telle collecte forcée en masse empêcherait, dans une mesure appréciable, l’administration fiscale de se consacrer à une de ses tâches prioritaires consistant à lutter contre l’évasion fiscale et à collecter des sommes soustraites à l’impôt près de cinquante fois supérieures aux paiements litigieux.
48. S’agissant du risque d’une perturbation de l’ordre public en cas de récupération immédiate des paiements litigieux auprès du secteur agricole grec, il est constant que le climat social en Grèce est actuellement marqué par une détérioration de la confiance à l’égard des pouvoirs publics, par un mécontentement généralisé et par un sentiment d’injustice. En particulier, ainsi que la République hellénique l’a exposé sans être contredite par la Commission, les manifestations violentes contre les mesures d’austérité draconiennes prises par les pouvoirs publics grecs sont en constante augmentation. À l’audition, la République hellénique a encore rappelé la nette progression de certains partis d’extrême droite et d’extrême gauche lors des dernières élections législatives en Grèce.
49. Dans ces conditions, le risque, invoqué par la République hellénique, que la récupération immédiate des paiements litigieux dans le secteur agricole puisse déclencher des manifestations susceptibles de dégénérer en violences n’apparaît ni purement hypothétique ni théorique ou incertain. En effet, il ne saurait être fait fi de la possibilité que l’opération de récupération des paiements litigieux soit publiquement utilisée, par certains milieux, comme exemple de l’injustice exercée contre la classe agricole et que, dans la situation actuelle chargée d’émotions intenses, un tel discours public déclenche l’une ou l’autre manifestation violente, alors qu’il est indifférent de déterminer quelle catégorie de la population pourrait être à l’origine des violences nécessitant un déploiement toujours plus important des forces de l’ordre. Or, il est évident que la perturbation de l’ordre public provoquée par de telles manifestations et par les débordements auxquels les événements dramatiques récents ont montré qu’elles pouvaient donner lieu causerait un préjudice grave et irréparable, que la République hellénique peut légitimement invoquer.
50. Compte tenu des éléments exposés au point 48 ci-dessus, la présente affaire doit être distinguée de celle qui était à l’origine de l’ordonnance du président de la Cour du 12 octobre 2000, Grèce/Commission (C‑278/00 R, Rec. p. I‑8787, points 8, 16 et 18), dans laquelle l’invocation de « troubles sociaux très graves » a été écartée au motif que l’État membre concerné s’était borné à émettre des considérations générales dépourvues d’élément concret et n’avait fourni aucune indication quelconque quant à l’éventualité des graves événements allégués. En effet, contrairement au contexte de l’affaire C‑278/00 R, il est notoire que, en l’espèce, des perturbations de l’ordre public, telles que celles invoquées par la République hellénique comme conséquences prévisibles de la récupération imposée, se sont déjà produites dans des situations semblables, à savoir dans le contexte de mouvements contestataires dirigés contre les mesures d’austérité prises par les pouvoirs publics grecs depuis la crise économique.
51. Force est donc de constater que le cas d’espèce est caractérisé par des particularités établissant l’existence d’une urgence.
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